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Par Marine Balansard, co-fondatrice du cabinet Ariseal en intelligence décisionnelle après plus de dix-huit ans en salle des marchés à la Société Générale sur des postes de vente de produits dérivés auprès de clients français et internationaux, co-auteur de « Décider ça se travaille » (Eyrolles)
Les femmes représentent 52% de la population française. Et si le droit de vote n’a été acquis qu’après la seconde guerre mondiale, force est de constater que la France a rattrapé son retard en matière d’égalité femme/homme pour se situer sur le podium en Europe, et donc dans le monde (genderequalityindex france).
Par la force des choses, à coup de lois ou aux forceps, les femmes ont quitté les foyers, les posters et les poèmes pour escalader les falaises de verre et casser les plafonds, jusqu’à intégrer les si peu glamours conseils d’administration et autres Comex. Le rééquilibrage se fait dans la douleur depuis les lois Coppé Zimmerman puis Rixain.
Les hommes regardent incrédules partir les « trains de promotions » remplis de femmes, avec un rictus de douleur adapté aux circonstances. « De toutes les façons, on ne peut plus rien dire ». Alors sur les femmes, chut ? Pas un mot de plus en 2023 ? Ont-elles atteint le graal ?
Inégalités salariales un jour, inégalités toujours
L’INSEE continue de confirmer l’inégalité de salaires entre les hommes et les femmes. Plus on grimpe dans la hiérarchie, plus l’écart grandit (22% en moyenne.). Plus on approche du « pouvoir », moins les femmes sont valorisées financièrement, parce que l’on ne peut pas tout avoir sans doute ? Plus on habite en ville, plus l’écart avec le salaire des hommes se creuse. Plus un couple a d’enfants, plus les femmes réduisent leur temps de travail, le décrochage majeur et brutal se fait à partir du troisième enfant. Des salaires plus faibles, des carrières hachées entrainent des retraites plus maigres. Inégalités un jour, conséquences pour toujours.
Pour avoir exercé de nombreuses années dans les salles de marché en banque, j’ai observé des inégalités salariales fortes dans les bonus et les salaires avec des justifications diverses, voire des préoccupations sincères (un bonus trop élevé pourrait créer un « choc psychologique » aux femmes). Encore aujourd’hui en 2023, j’entends « qu’une femme qui parle d’argent, c’est tellement vulgaire ». Ce sont des phrases hors du temps, répétées dans les familles comme des mantras, par réflexe.
Nul ne s’étonnera que les femmes aient tant de mal à faire valoir leur travail, à demander des augmentations, ou négocier le salaire auquel elles devraient prétendre. Au détour d’interviews des femmes, on remarque que certaines admettent avoir demandé des salaires plus bas que ceux proposés (!), sous prétexte qu’il fallait d’abord « faire ses preuves ». On n’est jamais si bien sabordé que par soi-même ! Syndrome d’imposture, quand tu nous tiens…
Éducation, les filles avancent en tête sauf dans les formations d’avenir
Les femmes font des études plus poussées que les hommes après le bac. Mais pas un jour ne passe sans que l’on invoque la nécessité d’avoir plus de féminin dans les STIM (Sciences Technologies Ingénierie et Mathématiques). Dernièrement, le directeur des Arts et Métiers implore dans une tribune « Il faut des ingénieures » ! Le taux des femmes dans ces métiers est de moins de 10%, et la part des filles en écoles d’ingénieur inférieure à 30%. En conséquence, les femmes créent moins de start-ups et les financent peu. Le cumul de ces absences les écarte progressivement mais sûrement du monde à venir, auquel elles ne pourront pas, apporter leurs différences, pour faire la différence.
Le travail pour améliorer la situation se fait bien en aval. Nombre d’associations (saluons le travail de Femmes/Filles et Maths par exemple) agissent dès le collège, voire avant, entre la maternelle et le cours préparatoire puisque c’est là que tout se joue selon une étude de l’INED ( Écart de niveau en mathématiques entre les filles et les garçons ). À titre plus personnel, j’ai observé encore dans nos écoles, un risque d’ostracisation des filles qui s’intéressent aux maths, comme si ce n’était pas « vraiment » leur place. La sous-représentation de filles dans certains secteurs est la manifestation d’une société qui continue de créer de l’inégalité.
Heureusement, des pistes existent pour y remédier, notamment concernant les stéréotypes. La cause des femmes a avancé comme rarement dans l’histoire ces dernières décennies, et il faut avant tout s’en réjouir. C’est trop rarement le cas puisque sont dénoncées justement les imperfections. Cela génère de la « gender fatigue », mélange de renoncement et de répulsion sur ces sujets sur-investis. La tentation est forte pour tous de faire silence. Mais comme rien n’est jamais acquis à l’homme, ni à la femme, toujours et encore, veillons, ensemble.