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Propos recueillis par Christelle Crosnier et Thomas Ferreira
J’ai toujours rêvé d’être à mon compte. Ma mère était avocate, mon père commerçant, je voyais beaucoup d’indépendants autour de moi. Je réalisais qu’entreprendre seul était très compliqué et je me suis toujours dit que le jour où je me lancerais, je le ferai accompagné. Ma première entreprise en tant qu’entrepreneur est ISAI, que j’ai créé il y a une douzaine d’années. Nous étions six au départ, je suis entouré de personnes de qualité comme Pierre Kosciusko-Morizet, Geoffroy Roux de Bézieux ou encore Stéphane Treppoz. Je considère que l’argent est un thermomètre qui évalue la qualité de mon travail, mais il n’est pas la raison pour laquelle je vais travailler. Le cœur de ma relation avec les entrepreneurs et la qualité de cette relation, voilà ce qui me motive.
Avant cela, j’ai toujours été très intrapreneur. J’ai découvert le monde du capital risque et de l’investissement en Californie, où j’ai proposé de monter une structure de veille technologique et de business développement. J’y ai compris les visions de la Silicon Valley; c’était très excitant. Puis je me suis senti frustré par le fait que Capgemini à l’époque, ne voulait pas investir dans les jeunes entreprises que j’y avais découvert. Je me suis dit qu’un jour je ferais de l’investissement. Les hasards de la vie font que j’ai été chassé par la holding d’investissement de Bernard Arnault. C’est ainsi que j’ai finalement rejoint ce monde là. D’ailleurs, pas du tout en tant qu’investisseur mais en tant que Directeur Technique de la Holding. Je ne suis donc pas un entrepreneur devenu investisseur, mais un intrapreneur devenu investisseur.
Le capital risque est là pour financer des pertes. S’il n’y a pas de pertes, il n’y a pas de capital risque. Elles sont dues à une hyper croissance mais ne doivent pas être structurelles. C’est-à-dire que lorsqu’on retrouve une croissance classique, je dois être profitable.
Un bon modèle économique est un modèle à maturité. En revanche, dans sa phase de croissance, il va brûler du capital de façon efficace. Pour simplifier, il générera au final plus de valeur ajoutée que de capital brûlé.
Ces dernières années, nous avons financé des entreprises d’hyper croissance pouvant justifier d’une valorisation à maturité extrêmement forte. Un Facebook, qui aujourd’hui rencontre des difficultés, reste un produit intrinsèquement très profitable. Google et Apple le sont ausi. Amazon l’est bizarrement également car ils ont des poches de très grande rentabilité tout en ayant un core business – le e-commerce – moins profitable.
La tech touche tous les secteurs. Cependant, les business models qui marchent, en tout cas ceux que l’on maîtrise et sur lesquels on peut faire de l’ingénierie, sont toujours les mêmes, quel que soit le secteur. Globalement, nous diversifions notre portefeuille tout en étant très centré sur deux business models, qui sont, le Market Place et le SAAS (modèle de livraison de softwares cloud dans lequel le fournisseur de softwares cloud développe et maintient des logiciels d’applications cloud, fournit des mises à jour software automatiques). Je vais prendre un exemple très représentatif : nous avons investi en 2016 dans une entreprise médicale, Cardiologs. Nous avons conclu ce deal car nous aimons la technologie et l’équipe. Cependant, nous ne connaissions rien à la cardiologie; nous avons ainsi diversifié notre portefeuille avec une exposition au monde du Healthcare et du Live Science. Comme le souligne André Senik : « Le logiciel est en train de manger le monde ». Nous suivons cette invasion dans tous les secteurs et nous nous diversifions en conséquence.
Je pense que la première qualité d’un investisseur heureux est le rapport au temps et à la patience. Nous exerçons des métiers dans lequel le résultat tangible et final est extrêmement décalé dans le temps. Je suis actionnaire de Blablacar depuis treize ans. En général au bout de huit ans, on sait si notre investissement sera vraiment rentable.
Ce sont des professions avec des visions à long terme, une particularité qui n’est pas simple. Il faut une forme de résilience, de tenacité, de constance pour accepter ces échéances lointaines. On peut vite se sentir frustré si l’on veut que tout arrive la semaine prochaine… évidemment cela n’arrive jamais…