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ILS SONT TOUS CITOYENS FRANÇAIS. Nous sommes allés à leur rencontre pour recueillir leur opinion sur les questions de racisme, de discrimination et d’immigration. Débat d’idées.
Petit, j’étais le seul asiatique de l’école et je me demandais « pourquoi suis-je né asiatique ? Je n’ai plus envie d’être asiatique ». Avec la Covid c’est encore pire, on m’a accusé : « c’est toi qui a apporté la Covid, ramène la chez toi ! » ou on m’a lancé « tu as déjà mangé des chauves-souris ou du pangolin ? ». J’ai aussi entendu : « dans les plats au restaurant chinois est-ce que c’est vraiment de la viande ou est-ce que c’est de la viande d’humains, de chat ou de chien ? ». Dans les mentalités de certains, les Asiatiques sont des mangeurs de viandes bizarres et les intellos de service.
J’ai deux enfants métisses, et je me suis très vite rendue compte des préjugés qui pouvaient en découler. Mes enfants rêvaient de ne plus avoir les cheveux crépus, on leur avait fait comprendre que c’était très moche, que leur couleur marron « caca » était très laide également et que pour être beau il fallait être le plus blanc possible. Le racisme et toutes les images qui sont véhiculées peuvent être très enfermantes pour des jeunes qui se sentent obligés de répondre à ce qu’on attend d’eux. On leur colle une étiquette dont ils ne peuvent se défaire. Je vois, par exemple, que mon fils aîné a beaucoup de mal à ne pas endosser cette caricature de racaille qu’on lui renvoie dans les médias.
Ce qui est vraiment affolant, c’est de voir la surreprésentation des personnes issues de l’immigration extra-européenne dans les violences faites aux femmes. Je prends juste un exemple : en Ile-de-France, 63 % des agressions dans les transports sont le fait d’étrangers, tout comme 52 % des viols. Beaucoup de femmes sont très mal à l’aise dans l’espace public et ont peur des étrangers. Elles savent très bien quel type d’homme elles vont éviter et à quel moment elles vont changer de rue. J’ai eu certains débats où on me disait : « tu ne te rends pas compte qu’en tant que blanche tu es une privilégiée ! ». Moi le privilège que je vois en tant que blanche aujourd’hui c’est de me faire agresser dans les transports !
Pour moi le pire du racisme, c’est qu’il arrache très tôt l’innocence des enfants. Les petits sont obligés de cacher les humiliations profondes qu’ils ressentent, même à leurs parents. Et ils grandissent comme ça, avec un mal-être, une voix qui pleure, qui est en colère. Lorsque j’étais jeune, ce que je trouve terrible, c’est que si je me taisais je n’en répliquais pas moins intérieurement et c’est cette voix qui réplique, qui réplique, qui réplique, qui un jour devient un poids-lourd dans une âme, dans un corps. De nombreux enfants qui subissent les discriminations sont ainsi déjà des humains infirmes de quelque chose. Le racisme rend le cœur infirme.
Pour moi, la discrimination, c’est ne pas accepter une personne soi-disant parce qu’elle a une différence. Une fois, une dame m’a dit : « toi tu as la double peine, tu es handicapé et en plus tu es arabe ! ». Une autre fois, un enfant est venu me voir et m’a demandé : « pourquoi t’as une voiture électrique ? ! » ; sa mère l’a tout de suite recadré : « ne parle pas avec lui, c’est un handicapé »… Il faudrait de la tolérance et je pense que cela passe d’abord par les parents. Clairement, le sport permet aussi de s’intégrer. Qu’on soit noir, blanc, chinois, handicapé petit, mince, anorexique, peu importe, on ne se regarde pas, on pratique. Je fais du sport pour rendre fiers me parents, je me bats chaque jour pour eux.
Les gens n’essaient pas de nous connaître en tant que personne… Je ne suis pas juste une femme voilée. Ca me rend triste, ça m’énerve, ça me met en colère aussi parfois d’être réduite à un bout de tissu. Pendant mes études, j’avais toujours l’impression que personne ne voulait me parler durant les pauses, que les autres étudiants avaient des préjugés sur moi, sur ma religion et sur ma culture. Même dans les transports, j’ai l’impression qu’on me fixe. La majorité du temps, j’essaie de l’ignorer mais parfois je prends l’initiative de regarder aussi les personnes comme ça elles comprennent que c’est gênant. Si j’avais une personne raciste devant moi, j’aimerais lui dire que nous ne sommes pas si différentes. Nous sommes tous humains. Et si on n’apprend pas à se connaître, forcément, on va avoir peur chacun de l’autre.
Certains propriétaires me demandent de ne pas leur renvoyer les dossiers de locataires potentiels avec certains critères de religions ou d’appartenances ethniques… J’ai évacué le problème immédiatement en disant qu’ils ne pouvaient pas faire ce type de discrimination et que je leur enverrai tous les dossiers que je jugerai comme étant bons sur le papier. J’ai souvent eu aussi des réflexions du type « entre juifs on va s’aider, si vous avez un appartement vous pouvez m’en parler à moi en priorité » ! Je propose des appartements à la vente ou à la location à des personnes, qu’elles soient juives, jaunes, noires, rouges, bleues, vertes. A l’inverse, on a bien vu dans l’histoire certains éléments qui laissent à penser qu’on a été un peu persécutés au cours des siècles. C’est difficile de s’en soustraire et de faire comme si de rien n’était. Alors, quand quelqu’un commence une phrase par « vous les juifs », tout de suite on tend l’oreille ; ce ne sont pas forcément des signes d’antisémitisme marqué, c’est juste ce que j’appellerai moi de l’antisémitisme latent.
La bi-nationalité est un danger. Il faut une assimilation totale et entière. Certains de mes compatriotes me diront « tu t’attaques à nous qui sommes de religion musulmane », je leur réponds « la religion musulmane est incompatible avec nos valeurs républicaines ». La femme n’est pas considérée comme l’égal de l’homme dans la vie sociale, dans les maisons de musulmans, il y a une télévision branchée toute la journée sur un pays étranger, des tableaux où il y a écrit « Dieu est grand Allah Akbar ». Ce n’est plus possible. Moi, je suis très en colère contre Karim Benzema qui, en sélection de l’équipe de France de football, ne veut pas chanter la Marseillaise, alors qu’au Maroc tous les écoliers sont au garde-à-vous pour la levée du drapeau avant de rentrer en classe. Je considère que c’est une faute grave, il mérite la déchéance de la nationalité française.