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Par Marine Balansard, co-fondatrice du cabinet Ariseal en intelligence décisionnelle après plus de 18 ans en salle des marchés à la Société Générale sur des postes de vente de produits dérivés auprès de clients français et internationaux, co-auteur de « Décider ça se travaille » (Eyrolles) et Quentin Bous, co-auteur de l’ouvrage « Les super pouvoirs des dyslexiques en entreprise » (Éditions Eyrolles)
Aujourd’hui, que ce soit dans une entreprise ou dans n’importe quelle organisation, la transformation est nécessaire pour relever les défis d’un monde qui change. Qui dit changement dit aussi freins, statu quo, peur de perdre, crainte de l’incertitude.
Se transformer implique d’emmener les différents acteurs de l’entreprise vers un objectif commun. Dans une dynamique de changement, certaines compétences sont particulièrement recherchées : la créativité, l’imagination (voir en images), la capacité à innover, à résoudre des problèmes complexes et prendre des décisions, autant de compétences identifiées chez les personnes dyslexiques. D’ailleurs, l’agence britannique de surveillance du territoire (Government Communications Headquarters – GCHQ) compte 30% à 40% de dyslexiques dans leurs effectifs depuis de nombreuses décennies.
Si une partie des compétences ont été acquises à force de surmonter des difficultés depuis l’enfance, d’autres pourraient être liées à un style de cognition particulièrement orienté vers l’exploration. Les récentes recherches notamment du Dr Helen Taylor à l’université de Cambridge indique que cette singularité se manifesterait par un apprentissage exploratoire, qui se traduit par un appétit d’explorer l’inconnu pour acquérir de nouvelles connaissances. Quelle entreprise n’aurait pas besoin de ce type de compétences ?
Du point de vue de l’entreprise comme du point de vue sociétal dans son ensemble, il y a donc un intérêt à permettre l’expression pleine des talents des personnes disposant d’une cognition différente, notamment les personnes dyslexiques. Leur appétit pour un apprentissage en continu et leur curiosité gagneraient à être mobilisés pour résoudre les défis de demain, dérèglements climatiques ou massification de l’intelligence artificielle par exemple.
Comment faire pour que les personnes dyslexiques puissent déployer leurs grandes ailes au service des entreprises dans lesquelles elles exercent ?

Une première prise de conscience est nécessaire : il existe des formes de cognition différentes, les personnes dyslexiques représentent 5% à 8% de la population en France. Ils travaillent, ce sont nos collègues, nos managers, nos ingénieurs, nos médecins mais la plupart du temps, leurs compétences particulières ne sont pas mises en avant. C’est là qu’intervient le deuxième axe qui permet de lever les freins à l’expression de ces compétences : pour une personne dyslexique, c’est l’écrit qui pose un problème. « Développe cette idée par écrit. » est une injonction qui suffit à bloquer ou ralentir un sujet. Pour contourner cette difficulté, différentes stratégies sont possibles : privilégier l’oral lorsque cela est possible, se mettre en binôme avec une personne chargée de la rédaction, ou encore utiliser des logiciels de dictée vocale, comme le font de nombreux médecins pour transcrire leurs rapports.
C’est en repensant à la marge la façon dont on organise le travail en entreprise, en créant une sécurité psychologique que les personnes avec une cognition particulière pourront d’une part exprimer leurs besoins et bénéficier d’un mieux-être au travail. Surtout, cela va leur permettre de déployer tout leur potentiel et compétences pour le bénéfice de l’entreprise. Comme l’indique la chercheuse Helen Taylor dans sa théorie de la complémentarité, c’est bien la coopération entre les différentes cognitions qui permet de générer de la valeur au sein des organisations, dans un subtil arbitrage entre l’exploration des nouveautés et l’exploitation de l’existant. Encourager la neurodiversité, l’intelligence collective, c’est créer encore plus de valeur et de résilience pour nos organisations au quotidien.
« Celui qui diffère de moi, loin de me léser, m’enrichit. » Antoine de Saint-Exupéry.

« Developmental dyslexia essential to human adaptive success, study argues », University of Cambridge, 2022.