PARTAGEZ L'ARTICLE SUR LES RESEAUX SOCIAUX
Ils sont avocats, journalistes, politiques, historiens,… Experts dans leur domaine, ils nous donnent les clés pour mieux comprendre.
Nous vivons dans un pays extrêmement fracturé, résultat de quarante ans de regroupement familial et d’ouverture des frontières. C’est beaucoup de gens malheureux, un pays qui s’effrite, une cohésion nationale qui est en train de disparaître, des tensions communautaires, voire le retour des questions raciales. Il faut arrêter avec le mythe de « on peut accueillir tout le monde », ce n’est pas vrai en termes de tensions sociales, de moyens, de capacité d’accueil. On ne sait plus dire ce qu’est la France et ce qu’il faut aimer pour devenir français. Le jour où nous en serons capables, je pense que l’assimilation sera beaucoup moins un problème. La première chose à faire pour retrouver une forme de vivre ensemble, c’est de limiter de manière drastique le nombre de personnes qui vont entrer sur le territoire.
En France, malgré ses textes et ses principes, il y a beaucoup de discriminations, et pas simplement dans les cabinets d’avocats. Nous sommes plusieurs à nous être engagés dans une procédure judiciaire contre l’État concernant les contrôles au faciès. Cette action a trouvé sa fin devant la cour de cassation en 2016 puisque l’État a été condamné. Le Défenseur des Droits, la Commission des Droits de l’Homme ont, par des statistiques établies, prouvé l’existence de ces contrôles. L’État n’a pas pris les mesures nécessaires pour y mettre un terme et c’est la raison pour laquelle nous avons avec le professeur Antoine Lyon-Caen décidé d’initier une action de groupe qui est portée par de nombreuses organisations locales et internationales comme Open Society, Justice Initiative, Human Rights Watch et Amnesty International. Le combat contre les discriminations, c’est créer des ponts entre des personnes que quelquefois les intérêts, la vie, l’indifférence, l’ignorance ou le déni opposent.
J’ai mené une thèse de doctorat en partant des théories du sociologue Pierre Bourdieu qui parle de reproduction des inégalités sociales. J’ai voulu le contredire en montrant qu’il y a des jeunes qui réussissent malgré leur appartenance sociale et leurs origines. J’ai pu mettre en avant qu’il n’y avait pas d’incompatibilité entre la réussite scolaire et l’appartenance religieuse ; les jeunes d’origine maghrébine et de confession musulmane, par exemple, ne riment pas forcément avec délinquance et échec. Pour combattre ces discriminations, bien évidemment, il faut agir sur le terrain, ce qui signifie d’abord former nos enseignants et nos éducateurs et revoir les programmes. Puis créer du lien social, faire se rencontrer des gens différents issus d’espaces et de mondes sociaux parfois opposés pour permettre de mieux comprendre l’autre. Car si on comprend mieux l’autre, on a moins peur, et si on a moins peur, on ne discrimine pas.
La police reflète notre société. Mais il y a un point important que tout le monde oublie, c’est que les fonctionnaires de police sont aussi des mères, des pères, des êtres humains. Il y a toujours une peur surtout avec ce qui se passe actuellement. On a eu quand même des policiers qui ont été tués à domicile et c’est pour ça que la crainte existe des deux côtés. Il faudrait qu’il y ait plus de cohésion entre tout le monde et qu’on puisse travailler ensemble et arrêter de se battre. C’est juste une question de respect mutuel. Chacun doit respecter l’autre pour être respecté, et à partir de là, normalement, ça va tout seul.
La police de façon systémique n’est pas violente et n’est pas raciste. Les comportements racistes des policiers représentent 0,3 % des effectifs et les comportements des policiers déviants sont sanctionnés. Faire croire aux jeunes que la police est au service du dominant blanc, c’est une caricature qui est faite évidemment par certains partis politiques qui ont une tendance à l’exagération. La sécurité et le bien vivre ensemble, c’est l’affaire de tous. C’est une réponse globale que nous amènerons en travaillant main dans la main.
La discrimination n’existe pas, c’est un concept. Se sentir discriminé, c’est mettre le pouvoir dans les paroles de l’autre et se poser en victime. Par exemple, si quelqu’un vous dit que vous avez les cheveux verts, soit vous allez vous sentir affecté par ces paroles, soit vous allez vous sentir en joie, soit vous allez-vous sentir complètement neutre, tout dépend de la croyance que vous avez sur vous-même. Se sentir discriminé, c’est une formidable occasion que vous apporte la vie pour changer la croyance que vous avez de vous-même : cette croyance de ne pas être à la hauteur et de se sentir inférieur, vous la remplacez par celle de vous sentir aimé. Le racisme c’est quand on projette ses émotions refoulées – peur, colère, tristesse – sur l’autre, dans le rejet. Quelque part, c’est soi-même qu’on hait à travers l’autre et on se rabaisse en rabaissant l’autre.