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Par Alexandre Jollien Écrivain, philosophe, comédien.
Je crois au fond qu’il s’agit de nous décentrer de nous-même et de réaliser que nous sommes tous embarqués sur le même bateau. Accepter que nous puissions être fragiles, déboussolés, vulnérables. Laisser être. La paix et le repos du bourgeon, c’est de savoir qu’il est porté par un arbre ; il en va de même pour chacun d’entre nous, nous pouvons ressentir cette connexion à la vie, à la société, réapprendre le dialogue : quelqu’un qui ne pense pas comme nous ne doit pas être vécu systématiquement comme un ennemi.
Il aura suffi qu’un seul être humain rentre en contact avec le virus de la Covid-19 sur un marché quelque part en Chine pour que tout le monde soit impacté : il existe une interdépendance néfaste, si on peut dire, mais celle-ci peut être inversée par la solidarité, l’amour, la bienveillance, le don de l’autre. Matthieu Ricard a fondé l’association Karuna, qui signifie « compassion » ; un jour, quelqu’un m’a dit : « il faut opposer au coronavirus le « Karuna virus » , le virus de la compassion. Je trouve ce défi magnifique.
Il y a trois piliers qui m’aident au quotidien : la méditation, être entouré d’amis seul on ne s’en sort pas mais grâce à l’autre, on peut grandir et la pratique de la générosité : comme le prône Nietzsche « lorsque tu te lèves le matin, demande-toi à qui, ce jour-là, tu pourrais faire plaisir ».
Avec mon ami Bernard Campan, nous nous proposons des exercices spirituels : essayer de ne pas s’énerver, accueillir l’imprévu, accepter de demander de l’aide sans avoir honte, ne pas commenter négativement, poser des actes au lieu de ruminer, se demander ce qui nous amène à la joie, comme dirait Spinoza. C’est une pratique au quotidien. Parfois, lorsque je suis triste, je me mets au défi de faire rire la première personne que je croise. Je trouve tellement essentiel de se lever le matin en se demandant « de quoi ai-je envie de me libérer aujourd’hui ? » puis de poser des actes dans ce sens. Tout est possible à chaque instant. Même un mourant peut progresser.
Vivre meilleur, c’est descendre dans son intériorité pour devenir un meilleur être humain, loin de tout ce qui nous aliène. L’espoir, ce n’est pas « j’attends les bras croisés » mais « j’agis » pour que nous sortions de cette crise avec moins d’inégalités, pour que nous nous mobilisions pour le bien commun, et que nous nous désengagions de tous les vains combats. La Covid-19 nous a fait réaliser l’interdépendance de chacun et la nécessité absolue de bâtir une société plus juste, plus libre, plus généreuse.
Pour en savoir plus : « Presque » de Alexandre Jollien et Bernard Campan / Cahiers d’insouciance de Alexandre Jollien (Gallimard)