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Propos recueillis par Carmen Weber
Avec mon binôme, Nans, nous étions tous les deux des mordus de voyages, de rencontres, d’aventures. Nous sommes partis chacun de notre côté pour de longs voyages pendant deux ans sur le continent américain. J’avais peu de moyens, et juste de quoi payer ma nourriture. Je me déplaçais en stop et je logeais chez l’habitant. Mon but principal était de rencontrer du monde, des ONG, des entreprises, des associations, tout un tas d’acteurs du changement qui mettent en place des solutions pour répondre aux enjeux climatiques et sociaux. Ce faisant, j’ai surtout rencontré le cœur des gens… J’ai été ébahi en voyant la générosité qui existait, les personnes qui ouvraient leurs portes, qui étaient volontiers curieux de l’autre. Cela m’a profondément inspiré et rassuré par rapport au genre humain ! Lorsque je suis revenu, Nans avait de son côté vécu une aventure assez similaire. Nous avons eu envie de pousser le bouchon un peu plus loin, nous voulions revivre cela. L’idée de partir sans sac à dos, sans sac de couchage, sans argent, sans vêtements est arrivée rapidement comme une blague entre nous, mais aucun d’entre nous n’a voulu lâcher face au bluff ! Nous nous sommes donc lancés en 2010 dans cette première aventure sans rien, juste sur un rêve. Nous nous étions donné l’objectif très symbolique de l’homme mondain qui part de la Drôme pour rejoindre Paris, trouver une décapotable rouge et sortir en boîte habillé en costards ! Nous voulions voir si nous étions capables d’atteindre ce but sans argent. Et cela a fonctionné grâce aux rencontres, les gens étaient tellement généreux ! Nous avons eu l’envie de le partager. D’où l’idée d’embarquer des caméras, qui a donné naissance à l’émission que l’on connaît aujourd’hui. Je sais que c’est étonnant de partir nus, mais justement, lorsqu’on voyage dans un pays dont on ne parle pas la langue, on se sent nu aussi. Cela nous replonge dans un état que l’on ne maîtrise pas.
Partir nu est un rituel initiatique, une expérience d’abandon, de confiance à la fois très réjouissante à vivre mais qui peut être également très intimidante. Tous les voyages se ressemblent et ils sont en même temps tous uniques. Ce qui fait la singularité de notre approche, c’est qu’elle soit partagée par des milliers de personnes, nous sommes loin d’être les seuls à faire cela. C’est une recherche volontaire de l’aventure en se défaisant de tout ce qui nous met dans le contrôle : l’argent, les vêtements, … On ne peut plus envoyer de message ni utiliser sa carte bleue. En temps normal, en cas de problème, je trouverais une solution avec mon téléphone. Alors que dans notre cas, nous sommes obligés de nous en remettre à nos capacités et à la confiance que nous avons l’un dans l’autre. Nous nous forçons à aller vers les autres, pour parler, manger, chercher un endroit où dormir, trouver une brosse à dents, des vêtements, des conseils pour nous orienter. Cette manière de voyager est une véritable école pour développer des qualités humaines qu’à mon sens, nous devrions tous développer davantage dans notre société : réapprendre à entrer en empathie avec les gens, les comprendre, se faire comprendre.
Il faut aussi avoir la capacité de s’émerveiller même après des complications. Parce que si l’on est énervé par une attente sous la pluie et du stop, on risque de vouloir rentrer chez soi alors que retrouver l’émerveillement dans la galère permet d’aller de l’avant.
On est obligé de développer sa résistance physique et psychologique. Parfois on y arrive, d’autres fois, non. Cela nous conduit à un endroit très vulnérable qui est celui du cœur, celui où nous redevenons des êtres humains à la fois très puissants et pleins de ressources, mais aussi très fragiles et vulnérables. Ces situations nous invitent à faire la paix avec nous-même, à réapprendre la tendresse et la compassion dans un monde rempli d’injonctions. Le vagabondage, cette manière de voyager, oblige à faire la paix avec les humains.
Lors de mes voyages, j’ai rencontré de nombreuses personnes très inspirantes. J’ai notamment une pensée pour Michel, un français croisé au Maroc avec sa femme. Ils avaient loué une voiture et nous ont pris en stop. En traversant le désert, nous avons longuement échangé et un magnifique arc-en-ciel s’est déployé devant nous ; Michel nous a dit : « Vous voyez, pour moi, les voyages sont des stages d’étonnement. » Ça m’a beaucoup inspiré parce que voyager, au fond, c’est merveilleux. Je le souhaite à tous.
On connaît aujourd’hui l’impact environnemental des voyages. On sait qu’il n’est plus possible de voyager autant, que ce n’est plus soutenable à l’échelle de la planète d’être aussi nombreux à prendre l’avion. Il faut donc réapprendre à voyager autrement, plus localement.
On peut s’émerveiller de paysages beaucoup plus proches qu’on ne le croit. Au fur et à mesure que les années passent, cette capacité que nous avions enfants de nous enthousiasmer, nous sentir touchés dans le cœur par la beauté de quelque chose ou quelqu’un, peut revenir ! Ces expériences de vie nous permettent de nous reconnecter avec notre cœur d’enfant. Retrouver cette capacité d’émerveillement me semble essentiel.
En réapprenant à nous émerveiller, nous aurons probablement moins besoin de consommer et cela peut devenir une clé fondamentale pour faire face aux enjeux climatiques.
Le voyage le plus inspirant pour moi serait de réussir à vivre à l’état de vagabondage le plus possible dans mon quotidien. J’ai eu la chance de voir le monde, même si je suis loin d’en avoir tout vu, et cela m’a énormément inspiré. C’est devenu une drogue, comme le café, l’alcool ou autres. Ce côté « stage d’étonnement » de Michel me parle beaucoup parce que je ne veux pas passer ma vie en stage. J’ai envie d’apprendre et de mettre en pratique dans ma vie cette qualité de présence et cette disponibilité à rebondir sur les galères que la vie nous envoie. Je veux m’émerveiller de mon quotidien, en voyage ou pas. Je suis aujourd’hui marié, papa, et j’habite en colocation. La proportion du temps que je passe sur les routes est beaucoup moins importante qu’elle ne l’était il y a quinze ans. Mon plus grand voyage, c’est de faire de ma vie quotidienne un voyage !
Pour en savoir plus :
Nouvelle saison de l’émission « Nus & Culottés » tous les lundis à 21h sur France 5, avec « Objectif Volcans d’Auvergne », « Objectif Dordogne » et « Objectif Lot ».