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Entreprendre est-il français ?
Par Marine Balansard
Entreprendre est-il français ?
« Entreprendre » signifie s’engager à faire quelque chose, agir, ce qui inclut une prise de risque liée aux incertitudes ambiantes. Concrètement, c’est prendre un ensemble de décisions : on tranche le nœud gordien, on franchit le Rubicon. Dans le secteur privé, l’objectif visé est la création de valeur.
En 2021-2022, l’INSEE pointe un record de créations d’entreprises (près d’un million essentiellement des micro-entrepreneurs). Par ailleurs, la France n’a pas à rougir de la réussite de ses fleurons et autres multinationales du CAC 40. Pourtant, des voix pointent une difficulté spécifiquement française à entreprendre due aux complexités administratives et au poids des charges, mais pas seulement. Alors, les Français sont-ils des entrepreneurs dans l’âme ? Que faudrait-il améliorer pour les convaincre ?
Le désamour du risque
En France s’est développé au fil des siècles une culture, pour ne pas dire un culte, de l’administration centralisée et de la planification. Un Français sur quatre exerce un emploi public ou parapublic, gage de sécurité, voire de sérieux. De même, dans les décisions d’investissement de leur épargne, les Français plébiscitent la sécurité plutôt que le rendement, comme l’indiquent les records de dépôts sur livrets A malgré l’inflation. L’entrepreneuriat, qui induit une capacité personnelle à basculer en incertitude, s’interprète dans ce climat français comme un risque et un danger. D’ailleurs, les diverses qualifications données au monde depuis les années 80, que cela soit VUCA (Volatil, Uncertain -incertain-, Complexe et Ambigu) ou plus récemment BANI (Brittle -friable-, Anxiogène, Non Linéaire et Incompréhensible), valident la vision d’un environnement peu propice à la prise d’initiative.
Dans un tel contexte, les entrepreneurs affichent une spécificité : ils sont stratèges ! « La certitude de l’incertitude conduit à la stratégie » explique Edgar Morin. La capacité à gérer et surmonter l’incertitude serait donc la condition de création de valeur, si l’on accepte de s’extraire avec audace de sa « zone de confort », ce « confinement intérieur ». Enfin, entreprendre inclut la possibilité de l’erreur voire de l’échec, stigmatisés en France, et pourtant intimement liés à l’initiative et l’innovation. En cela, les nombreuses start-up françaises ont mis un coup de jeune à l’état d’esprit français, notamment grâce aux partenariats avec les grandes entreprises.
Optimiste, émotionnel et chanceux
L’état d’esprit de l’entrepreneur est nécessairement positif. L’optimisme présente de nombreux avantages, notamment en ce qui concerne la prise de décision. Il permet d’être ouvert aux opportunités, de voir la chance et la saisir lorsqu’elle se présente. C’est le Kairos grec, ce petit dieu ailé de l’opportunité, le bon moment. La chance est une attitude, un état d’esprit plutôt qu’un facteur exogène. Contagieux, l’optimisme est une décision, un devoir moral mais également une façon d’aider la chance. Mais au pays de Descartes, la rationalité a pris le dessus sur les passions. En entreprise, force est de constater que la majorité n’est pas au clair sur la place des émotions dans la réussite de ce qui est entrepris. Pourtant, ce sont bien les émotions qui motivent et font avancer. La France dispose d’innombrables atouts pour permettre d’entreprendre dans tous les domaines. Et si l’on aidait chaque jeune à créer une entreprise ou une association dans le courant de ses études, grâce au mentorat par exemple, de façon à transmettre ce virus de l’entrepreneuriat ? Car parfois, « ce n’est pas la peur d’entreprendre, c’est la peur de réussir, qui explique plus d’un échec », comme le rappelle Cioran…