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Il a suffi d’une légende du Xème siècle pour transformer l’un des plus petits insectes en messager de Dieu, celui qui exauce les vœux des jardiniers, des paysans et de ceux qui ont une âme d’enfant.
« Coccinelle, demoiselle, Bête à bon Dieu ! Coccinelle, demoiselle Vole jusqu’aux cieux ! »
Cette comptine des générations d’enfants l’ont chantée en l’honneur de la Coccinella septempunctata, la coccinelle à sept points. Le nom semble latin, mais sa racine étymologique est plus ancienne : coccinus veut dire « écarlate », nom lui-même emprunté au grec kokkos. Ce mot désignait des insectes de couleur rouge vif, telles que les cochenilles utilisées dans la teinture des tissus par les ateliers de la Grèce antique, et avant eux par les Phéniciens.
Le plus extraordinaire est que ce petit insecte de moins d’un centimètre est devenu la «bête à Bon Dieu », un nom bien lourd à porter. Il faut remonter au Xème siècle et aux Capétiens pour trouver l’origine de la légende. La scène se passe dans le Paris médiéval, où un artisan est retrouvé assassiné. On accuse son apprenti, et celui-ci est condamné à mort. Alors que le bourreau s’apprête à lui trancher la tête, une coccinelle vient se poser sur le cou du jeune garçon. Le bourreau enlève délicatement l’insecte, mais celui ci revient, et ce à maintes reprises. C’est alors que la chronique royale montre Robert II dit « le Pieux » décréter qu’il voit dans ce signe la main de Dieu. Il épargne la vie de l’apprenti… et l’assassin est retrouvé quelques jours plus tard.
Tout ceci n’est bien sûr que légende, et l’historien Marc Bloch, dans Les Rois thaumaturges, a bien montré comment la monarchie capétienne naissante – Robert II était le fils d’Hugues Capet – se devait d’attribuer des pouvoirs extraordinaires aux rois : pouvoirs de guérison, mais aussi relation directe avec Dieu.
Toutes les religions semblent vouloir célébrer les coccinelles. En hébreu, parat Moshé Rabenou signifie « la vache de Moïse notre maître » et, en terre yiddish, les enfants juifs comptent les points noirs et désignent la coccinelle comme le Massiah Kaefer, « l’insecte du Messie » : « Un, deux, cinq, sept. Dans sept ans viendra le messie »…
Que penser de la vénération pour un si petit animal ? Certes, un insecte utile mangeur de pucerons – il en dévore plus de cent par jour à l’état de larve, et plus de soixante à l’âge adulte –, mais surtout un symbole de bonheur et d’harmonie. C’était vrai des sociétés rurales, alors que notre monde urbain et technologique les ignore ou les relègue à de vagues comptines pour enfants !